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annonçaient. Tordue de douleur, la fille était résignée, comme la bête hors d’haleine devant les chiens et les chasseurs. Puis, dans sa peine, une autre peine tourbillonna, vrillante, tranchante :

— Est-ce qu’on ne se verra plus ? gémit-elle. Je sais que tu n’as rien promis… que c’est moi qui ai voulu… et tu me quitteras quand tu voudras… mais pas tout de suite… on a été si bien ensemble !

— Ma petite Lalie, je t’aime encore !

Il ne savait pas lui-même. L’image de Christine recroissait en lui et prenait tout. Pourtant, près de la jeune créature haletante, il était recru de compassion.

Elle se jeta sur lui, avec un sanglot d’amour, elle s’attacha à son cou comme le noyé à la racine :

— Oh ! ne crois pas que je suis crampon… Si tu n’avais pas voulu, chéri, je serais partie… j’aurais pleuré dans mon coin. Tu peux être sûr que je ne t’aurais pas embêté.

— Je le sais, dit-il, personne n’est plus courageux que toi !

Et songeant qu’elle était plus fière, plus loyale que le plus honnête des hommes, il l’estima. Peut-être aurait-il fallu l’aimer ? Mais l’amour est le plus étrange de tous les étrangers qui passent en nous.

Puis, tout de même, l’incompatibilité est trop grande : rien en eux ne coïncide, rien en eux ne s’accorde pour un long voyage. Tandis qu’il la presse sur son cœur, il rêve :

« Elle-même se détachera… Un peu de patience, François Rougemont, ce n’est pas encore cette pauvre fille qui souffrira par ta faute ! »