Page:Rosny aîné - La Vague rouge.djvu/341

Cette page a été validée par deux contributeurs.

argentine de la jeunesse. Une lueur fausse, filtrée aux nuages, poudrait leurs joues de perles, leurs cheveux de talc et de stuc ; elles étaient les petites formes qui passent et repassent à travers la durée, la promesse fugitive sans quoi tout s’évade. Le corsage soufre de la grande bringue jetait des reflets barbares ; cru et agressif, il s’accommodait au teint berbère, aux cheveux de poix crespelés. Près de ce corps si vif, où courait la flamme des nomades et des pirates, la nostalgie des tentes et des voilures, Georgette figurait une sensualité de pénombre, l’amour des cours fraîches, des clos pleins de tiédeur sournoise.

Eulalie, appuyant sa main contre l’épaule du propagandiste, demanda :

— Est-ce que vous êtes jeune, citoyen ?

— C’est assez probable, répondit Rougemont en tirant sur sa barbe, avec agacement et bonhomie.

— Mais vous avez plus de trente ans ?

— Un peu, oui.

— Alors, vous n’êtes pas jeune. Un jeune homme, ça finit à vingt-sept ans.

— Oh ! rectifia Georgette, à vingt-neuf ans, un homme est encore jeune.

— Quelquefois, concéda Eulalie, mais c’est rare : y a déjà la toile d’araignée…

— Qu’est-ce que la toile d’araignée ? s’enquit François.

— Je ne sais pas ! Ça arrive sur la figure bien doucement, et on le voit bien, allez ! Il y a des gens qui l’ont vite, la toile d’araignée, des types de vingt-deux ans et même de vingt, sans compter les enfants de vieux. Vous, y a des jours que vous l’avez, puis des jours où elle est partie, malgré votre grande barbe. Des fois, c’est comme si vous étiez un vieux de quarante ans, et des fois vos yeux sont gosses. On ne sait pas non plus si vous êtes un homme…