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L’heure tardive nous force à remettre à demain des détails circonstanciés sur cette mystérieuse et tragique affaire. »


« Alors, se dit Casselles, aucun témoin ne s’est présenté ? Ni la vieille, ni le charretier, ni le garçon marchand de vins ? »

Il songea aux bottines ; il les vit là-bas, dans le terrain vague, parmi les détritus. Pendant toute la nuit, elles ne seraient aperçues ni ramassées par personne, mais au matin ?… Ah ! quelle fatalité obscure l’avait conduit à se livrer lui-même. À tout prix il fallait les reprendre.

Puis, relisant l’articulet, il s’arrêta au passage : « … on semble être sur une piste. » Si c’était vrai, pourtant ? On perquisitionnerait, les chaussures deviendraient les premières accusatrices.

Longtemps, l’esprit de Casselles flotta à travers les hypothèses ; la tristesse domina de plus en plus l’inquiétude : presque assuré de n’être pas troublé durant la nuit, et la sauvagerie de la situation ramenant des instincts primitifs, le lendemain lui parut à une distance incommensurable. Il jeta le journal ; un besoin maladif de revoir, là-haut, l’endroit où il avait frappé l’homme, alterna avec le désir de parler à ses amis, d’entendre la voix d’Armand Bossange, du petit Meulière, d’Émile, même d’Anselme Perregault ou de Jacques Voissière. La route qu’il prit oscillait selon les fluctuations de sa volonté. Chaque fois que ses idées étaient nettes, il obliquait vers le quartier d’Italie ; lorsque la lassitude embrumait son cerveau, il se dirigeait vers Grenelle. Il n’ignorait pas qu’il cédait à un instinct commun aux meurtriers, il s’en démontrait la stupidité et le péril, mais l’envie renaissait, automatique. Pour en finir, il monta dans un tramway.

À mesure qu’il se rapprochait de la Maison-Blanche, l’obsession décrut ; le besoin de revoir ses