XII
Vers ce temps, Anselme Perregault vint en congé. Il avait la tête rasée, le cou semé de boutons couleur de viande, les yeux méfiants et sournois. Un levain de colère le brassait jour et nuit ; sa bouche écoulait des vitupérations contre les gradés, avec des menaces de mort. Le matin et le soir, il jetait sa capote par terre, il la piétinait, il l’envoyait à coups de bottes à travers l’appartement, ou bien, raclant avec un couteau son pantalon pour l’user plus vite, il ricanait :
— Le drapeau, on se torche avec ! La grande famille, je l’ai au bon endroit ! Notre père le colonel, si jamais je l’attrape, crachera ses chicots dans Jules. M… pour la patrie. Et ils peuvent bien dire que l’armée est prête ! Elle est prête à leur sortir les tripes.
Parfois, il gardait le silence, les joues roides, la bouche tordue. Puis il s’exclamait avec amertume :
— Il va pourtant falloir que j’y retourne… Ah ! les salauds ! ah ! les crapules !
Il y pensait à table, au cabaret, au théâtre. On le mena aux Gaietés de l’escadron. Il n’entendait pas la farce truculente, il ne voyait que l’uniforme, il ne saisissait que le conflit des gradés et des bleus ; une haine énorme fripait son visage.
Cependant, il avouait n’avoir jamais été puni. Dans sa compagnie, il n’existait pas, à proprement parler, de « rosses » ; le capitaine se montrait presque