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remplissent un devoir sacré. Qu’on leur fasse comprendre que ce devoir est une frime, ou que la contrainte pourra être dominée, et les pauvres diables seront prêts à la révolte. Voilà pourquoi notre campagne fait des progrès si considérables. Elle en fera bien plus encore ! La semence a levé. De toutes parts pousse le blé vigoureux de la pensée. L’idée du drapeau, l’idée de la grande Famille, l’idée de la Gloire deviennent aussi ridicules que l’idée de la Sainte Trinité ou de l’Immaculée Conception. En retour, la solidarité s’accroît avec une puissance égale aux forces de la nature. Les hommes conçoivent mieux l’horreur de la guerre ; ils mettent leur foi et leur espérance dans le savoir, dans la raison, dans le travail ; ils savent que les peuples guerriers ne peuvent rien contre les races industrielles : aux hommes de France d’allumer la torche sublime de la Paix, de faire le geste auguste et magnifique du Désarmement !

Rougemont se tut. Les communistes épuisaient leur énergie à l’acclamer et à l’applaudir : les cris de haine, de rage et de mépris des jaunes n’étaient plus qu’un prolongement du triomphe. À peine si on daignait leur répondre. Combelard, sa face hilare tournée vers les faces fanatiques, comprit qu’il fallait attendre avant de s’attaquer au cyclone. Une seule voix dominait par saccade le déferlement de la clameur — la voix de la Trompette : elle avait des gammes suraiguës et déchirantes qui transperçaient les sons comme une lame d’acier transperce le cuivre.

La tactique de Combelard se démontra excellente. Devant le président immobile et la scène sans orateur, une à une les curiosités naquirent. Elles dominèrent à mesure que s’épuisaient les larynx. La multitude désira une autre action que la sienne. Beaucoup qui auraient hué Deslandes, s’il était apparu tout de suite, furent impatients de sa présence.