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tons le travailleur, c’est le travailleur qui nous exploite. » Personne ne s’avise de faire remarquer que ces trois et demi représentent dix pour cent du capital primitif, et que si les actions avaient été incessibles ou vendues à leur prix d’achat, il n’y aurait que d’heureux actionnaires comblés de rentes ! Non, on ne parle que de ces malheureux trois et demi, on menace les administrateurs, qui molestent les ingénieurs, qui compressent les ouvriers… On parle même de réduire les salaires. Comme d’ailleurs l’affaire est excellente, les bénéfices font un nouveau bond. Nouvelles ventes, avec primes ; nouvelles plaintes des acheteurs… Et cela n’a point, ne saurait avoir de terme. On connaît des houillères qui donnent mille pour cent du capital primitif ; les familles qui ont gardé cent mille francs d’actions, au prix nominal, touchent actuellement un million par an de revenu. Ce qui est vrai pour les houillères, l’est pour un nombre incalculable d’entreprises industrielles et commerciales. Je connais telle affaire d’alimentation, les Bouillon Dugas, par exemple, où les cris des actionnaires aboutissent continuellement à des augmentations de prix et des diminutions de portions. Même une exploitation communiste imparfaite ne vaudrait-elle pas cent fois mieux et la concurrence régionale ne serait-elle pas plus effective que la concurrence de capitalistes en chambre, se bornant à faire acheter des actions par leurs agents de change ou à souscrire bêtement à des entreprises lancées par des bandits et préconisées par des établissements de crédit, anonymes eux aussi, et vivant eux aussi sur des capitaux collectifs ? Ne voyez-vous pas que nous marchons de plus en plus vers une sorte de collectivisme bourgeois, un collectivisme de billets de banque, un collectivisme d’ignorants — le collectivisme du hasard et du bluff ? Si un tel collectivisme peut tout de même alimenter les affaires, est-il admis-