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— Un peu, mon petit père !

— Et s’il ne vient pas, qu’est-ce que tu payes ?

— Quatre jambons d’York et tout ce qu’il faut pour les arroser ! Et toi, si ton homme fouine ?

— Un banquet de vingt couverts, à cent sous par tête, chez Vignarre !

— Cochon qui s’en dédit !


C’est le sort des conducteurs d’hommes de suivre leurs troupes. Une absurde querelle de cabaret décida d’une rencontre que ni Deslandes ni Rougemont n’eussent recherchée, celui-ci à cause de Christine et celui-là parce qu’au fond il réprouvait les séances contradictoires. On ne les renseigna pas tout d’abord. Dutilleul engagea des pourparlers avec le propriétaire de la salle Moreilhon, qui avait successivement été un entrepôt de grains, d’issues et de fourrages, un grand café-concert et un cinématographe. Cette salle s’effritait. On hésitait entre sa démolition et un retapage. Le Balafré trouva facilement à s’entendre pour la location. À cause des circonstances, il s’en tira avec quarante francs, qu’il comptait récupérer en faisant percevoir un léger droit de vestiaire.

Rougemont fut alors informé que les jaunes lui portaient un défi et Deslandes connut que les révolutionnaires doutaient qu’il osât se produire dans une réunion contradictoire. En même temps, la nouvelle se propageait à travers la Butte-aux-Cailles, les Terrains Vagues et toute la Maison-Blanche ; elle se dissémina sur l’Italie, sur Montsouris, jusqu’aux boulevards Blanqui et Saint-Jacques, elle franchit la barrière. Il devenait impossible aux orateurs de reculer. D’ailleurs, à voir s’échauffer leurs disciples, ils finissaient par s’échauffer eux-mêmes.


On accédait à la réunion par un jeu de boules, où