IX
Les fanatiques de François Rougemont et ceux de Marcel Deslandes se portaient de fréquents défis. Plusieurs fois, Dutilleul, Isidore Pouraille, Alfred le Géant rouge, Gourjat, Berguin Sous-Presse, se rendirent en bande chez Étienne, un mastroquet de la rue Bobillot, où s’assemblait un groupe de jaunes. Ils y menaient grand tapage. Tantôt l’un, tantôt l’autre, affirmaient que Deslandes n’oserait point accepter une joute oratoire avec le meneur révolutionnaire. Les autres, ricanant, déclaraient Rougemont propre à mener des gens qui raisonnaient avec leur ventre : dans une discussion sérieuse, Deslandes le ferait toucher des épaules. Un jeudi, Alfred le Géant rouge s’attaqua au charcutier Varang, homme célèbre pour avoir battu plusieurs lutteurs de foire.
— Est-ce que je ne le connais pas, votre Deslandes ? hurlait le typographe. Il n’a pas d’huile dans la gueule… il parle comme un pot de moutarde.
Le charcutier tapa sur sa vaste cuisse :
— Ta malle ! Rougemont est mûr pour chanter dans les beuglants. Tant qu’à tenir tête au citoyen Deslandes, faudrait qu’il ait de la moelle dans les idées.
— Et d’où que tu saurais s’il a de la moelle dans les idées ? Faudrait d’abord que t’en aies toi-même ; c’est pas dans tes saucisses que tu la trouverais.
— Enlevez, c’est pesé ! grogna Dutilleul en don-