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allons surveiller son affaire et nous finirons bien par le pincer au demi-cercle !

Il rencontra des difficultés analogues à la typographie Marteaux, à la fabrique de chaussures Vatel, à la teinturerie Jacquet-Mallard…


Partout se retrouvait l’action de Deslandes, soit qu’il maintînt en place des renards, soit qu’il battît en brèche les syndicats révolutionnaires par des syndicats jaunes. La puissance de cette action se révélait jusque dans la banlieue. On la retrouvait aux forges de Marsan, Krebs et Cie. Ces forges élevaient trois tours cyclopéennes sur le flanc sud-est d’Arcueil. Par les soirs hâtifs d’automne et d’hiver, elles vomissaient d’étranges fumées d’écarlate et de topaze. C’étaient, selon le tirage et le vent, des phares sauvages, ainsi qu’en allument les peuples primitifs de cime en cime, des cratères, des solfatares, des lambeaux de crépuscule, des feux de bengale, des flammes d’incendie. Cent vitres figuraient un palais d’enchanteur perdu au fond des landes. Les murailles palpitaient comme des cœurs. On entendait le grondement des foyers, le retentissement des enclumes, la chute de masses profondes, la rumeur des hommes ; il en sortait des créatures fumeuses, aux barbes dures, aux mains cornées, hommes du feu et du métal dont les bras se renflaient d’une chair musculeuse et dont les jambes étaient pesantes.

Le monstre dévorait des collines de charbon et des tertres de coke ; des mamelons d’escarbilles et de mâchefer formaient les résidus de sa digestion. Les fumées fusaient au firmament en rivières violettes, en cataractes rousses ou plombagineuses, en nuées, en vortex, en toisons, en charpies, en velums de houille. Elles projetaient des épaves, formaient des cargaisons de tulle noir, tissaient des toiles d’araignées, des dentelles floconneuses. Par