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paye deux cent mille balles pour voir votre sourire ? C’est trop cher. Je vous autorise à foutre le camp !

Il mêla l’arome du Bols à une bouffée de la saucisse.

— Et je ne parle pas en l’air. Si vous voulez faire une balade, faites-la tout de suite !

L’homme à tête de Mirabeau regarda ses compagnons avec anxiété : il venait de traverser une période de chômage. Tous baissaient le nez, inquiets, sachant que l’heure était défavorable.

— Nous demandons à réfléchir, intervint un ouvrier trempé d’huile.

— Ce sont de sages paroles ! fit Bourgoin avec un rire du ventre. Vous réfléchirez donc jusqu’à demain matin et vous me rapporterez une réponse ferme… absolument ferme. Je ne sollicite aucune faveur. Si c’est non, vous irez faire une partie de cochonnet avec les camarades ; si c’est oui, vous êtes informés qu’il y aura un coup de chien à donner pendant la quinzaine, moyennant quoi vous aurez une brave petite prime et même un gueuleton. Allez ! et ne faites pas les ânes, vous vous mordriez les doigts de pied.

François connut la réponse du patron. Presque en même temps, il reçut un avis qui le rendit pensif : Marcel Deslandes cherchait à réunir une équipe qui remplacerait l’équipe révolutionnaire. Il savait déjà que le mécanicien avait des intelligences dans la place. Il plaçait chez Bourgoin les compagnons âpres au gain, durs à la tâche, à qui n’importait pas la longueur des journées, pourvu que la forte paye fût au bout.

Rougemont comprit que la partie devait être remise à plus tard. Quand l’homme à tête de Mirabeau vint le trouver aux Enfants de la Rochelle, il conseilla d’attendre :

— La poire n’est pas mûre ! déclara-t-il. Nous