font pas ce qu’ils doivent faire. Car l’ouvrage n’a pas augmenté. Il a même diminué. Puisque les braves syndiqués ne veulent plus le faire, je suis obligé de leur donner du renfort. Mes renards, en un mot, ce n’est pas pour moi que je les ai engagés, c’est pour eux : je ne puis pas mieux comparer mon cas qu’à celui de la maîtresse de maison qui donne une fille de vaisselle à une cuisinière paresseuse.
— Je suis sûr que vous exagérez la situation, répliqua paisiblement François. Que vos hommes cherchent à travailler un peu moins, c’est naturel. Depuis trop longtemps, l’ouvrier s’épuise à faire la fortune des gens qui l’exploitent et le méprisent.
— S’épuiser ! fit amèrement Flammant. Laissez-moi me tordre ! Cher monsieur, vous êtes un jobard ou vous vous payez ma tête. Il y a trois générations que les ouvriers du bâtiment ont oublié ce que c’est que la fatigue. Si vous étiez impartial — mais vous êtes partial par définition, — il vous suffirait d’aller faire une promenade à travers les rares chantiers où les patrons ne se plaignent pas : vous verriez déjà une carotte de grande longueur. Quand il y en a un qui travaille, il y en a deux qui le regardent… avec admiration. Ah ! non, qu’ils ne se la foulent pas ! Et ce n’est rien auprès des chantiers où l’on pratique le demi-sabotage, le sabotage des temps de paix — car il y a un sabotage de guerre, formidable, celui-là. Le demi-sabotage, c’est un mélange d’un tiers de travail, de deux tiers de flemme et d’un supplément de malfaçon ou de gâchage. Je suis bien tranquille : ma conscience ne me reprochera jamais d’avoir détérioré mes hommes par un excès de travail. Ce qui les détériore, c’est le cabaret : moins ils ont d’heures de présence, plus ils ont d’heures de soulographie. Il faudrait que je sois un rude idiot pour les plaindre.
— Vous ne perdez pas d’argent ! Aucun de vos