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même convint qu’après cette rude mêlée la personne du vieux sanglier devenait négligeable : il suffirait qu’aucune autre exception ne fût admise.


L’affaire eut des échos retentissants. La Fédération du livre et la Confédération générale la tinrent pour une des jolies campagnes du syndicalisme. L’autorité de François se répandit de la Maison Blanche sur le faubourg d’Italie, la Gare, Bercy, le Petit-Montrouge.

Elle s’accrut encore lors de la réouverture des chantiers de terrassement Jacquier, Bizard et Marneton. Ces chantiers encombraient depuis sept mois les approches du boulevard Blanqui. Jacquier, Bizard et Marneton refusaient de payer une majoration d’un franc par jour, aux ouvriers astreints à des travaux malsains ou pénibles.

Le syndicat décréta la grève. Elle fut sévère. Les chantiers assombrirent le quartier de leur aspect désertique, de leurs détritus, de leurs sauvages poussières, de l’odeur sournoise des déblais. Par les jours de pluie, de vent ou de brume, par les crépuscules, par la nuit, ils rappelaient des cimetières, des tranchées de champ de bataille, des tourbières, des marais. Les ténèbres y pesaient sinistres, cendrées de la lueur affadie des réverbères, de quelques rayons rouges, d’inexprimables phosphorescences ; les apaches y tenaient des conciliabules et terrorisaient les bonnes gens. D’ailleurs, les mastroquets, les traiteurs, les charcutiers, les boulangers soupiraient après la clientèle des travailleurs. Devant la forte discipline, la solidarité menaçante des hommes, les tentatives d’embauche avaient échoué. À la fin, les entrepreneurs ayant réussi à mobiliser des provinciaux et quelques lamentables épaves, annoncèrent la réouverture des chantiers par voie d’affiches. Le syndicat répondit par d’autres affiches, rouges, où l’on rappelait en lettres grasses l’interdit