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nage. Devant une violation aussi flagrante, les délégués se retirèrent et se rendirent à leur syndicat, dont le représentant vint immédiatement faire une démarche de conciliation. Mais le sieur Boucharlat ne voulut rien entendre. Il éconduisit le représentant et déclara qu’il entendait désormais agir comme il lui plairait, confirmant ainsi sa résolution de ne pas faire honneur à sa signature. Il n’y avait plus pour les syndiqués qu’une seule chose à faire : quitter le travail.

« Pour ces motifs, l’imprimerie Boucharlat, 49, rue de l’Espérance, est mise à l’index.

« Pour la Chambre syndicale :.....................
« Le Comité. »............………….......


Le père Boucharlat se trouva devant l’abîme. Il avait accepté cent besognes et toutes urgentes. Dans les ateliers vides, c’était la poussière et la mort, les machines engourdies, les tâches entamées et comme moisies, un silence sinistre. Le vieux lutta éperdûment. Il passa deux jours, avec Glachant, à la chasse aux chômeurs ; ils ramenèrent six typos, cinq minervistes, puis encore deux patrons aux abois, et le labeur commença, furibond. On travaillait seize heures, dix-huit heures ; Glachant et Boucharlat passèrent plusieurs fois la nuit, quelques commandes furent exécutées en secret par d’autres imprimeurs. Ainsi le boycotté parut vainqueur et lorsqu’il rencontrait quelqu’un des meneurs qui l’avaient fait mettre à l’index, il lui jetait, du fond de sa barbe, un sourire goguenard.

De son côté, Rougemont nourrissait la révolte. Il avait trouvé des engagements pour quelques-uns des ouvriers, il faisait verser des subsides aux autres, il ouvrait des souscriptions aux Enfants de la Rochelle, il envoyait des émissaires à l’aventure. Le succès rapide de Boucharlat le surprit et le