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défi. Alors, sans ajouter un mot, les trois délégués tournèrent sur leurs talons et disparurent. C’était la guerre.

Elle fut acharnée. À midi, les ouvriers quittèrent l’imprimerie en chantant l’Internationale. L’après-midi, un représentant du syndicat fit une démarche vaine. Le lendemain matin, une affiche sang de bœuf pullula dans le XIIIe arrondissement. On y lisait :

« Mise à l’index de la Maison Boucharlat,
« 149, rue de l’Espérance (XIIIe).

« La chambre syndicale typographique parisienne informe tous ses adhérents qu’il leur est formellement interdit sous peine de radiation de ses contrôles, d’accepter un emploi à l’imprimerie Boucharlat, en raison des faits suivants : Au mois de novembre 1904, M. Boucharlat avait signé un contrat avec la chambre syndicale, par lequel il s’engageait, pour jouir de l’emploi de la marque syndicale, à n’occuper que des ouvriers typographes syndiqués appartenant à la Fédération française des Travailleurs du livre. Il y a une quinzaine de jours, il embaucha un ouvrier non syndiqué : une délégation des ouvriers lui fit remarquer qu’il manquait à des engagements formels.

« Je suis maître chez moi ! répondit-il… J’en ai assez de la tyrannie du syndicat. Ceux qui ne sont pas contents ici peuvent foutre le camp ! »

« Malgré cette brutale mise en demeure, les ouvriers prirent patience. Ils essayèrent de persuader au nouveau venu de s’affilier au syndicat. Il s’y refusa en tenant des propos injurieux. Les ouvriers se décidèrent à faire une nouvelle démarche auprès du patron qui les accueillit plus grossièrement que la première fois, et, pour mieux montrer son mépris, engagea sur-le-champ un autre ouvrier, un individu chassé du syndicat pour cause de sarrazi-