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plus un son, ses joues se ratatinaient dans la barbe hérissée. Mais le petit homme ayant parlé avec emphase et rudesse, il croisa ses bras sur sa poitrine et s’écria :

— Vous m’embêtez ! Je vous ai dit que les syndicats m’avaient massacré. Je ne lécherai pas les mains de mes ennemis. J’ai été patron… je garde un cœur de patron.

— Eh bien ! hurla le meneur, va-t’en avec eux autres ! Qu’est-ce que tu fous parmi les travailleurs ?

— Je travaille.

— Oui, tu travailles contre nous.

— Ni pour ni contre, je travaille pour mon pain.

— Ceux qui ne sont pas avec nous sont contre nous. Ils sont ligués avec nos ennemis.

— Les patrons ne sont pas vos ennemis !

— Ce sont nos amis, peut-être ?

— Non plus… ce sont des hommes nécessaires.

— Et nous, on n’est pas nécessaire ?

Glachant regarda son interlocuteur bien en face, avec une colère froide :

— Oui, vous aussi. Mais vous êtes encore des sauvages.

Il y eut une risée farouche. Toutes les bonnes volontés se détachèrent du vieil homme et l’un des meneurs déclara :

— T’as prononcé ta sentence, mon caillou. On ne te voulait pas de mal, mais puisqu’on est des sauvages, ce sera la bataille des sauvages. Les patrons d’ailleurs ne nous en font pas d’autres !

Glachant ne répondit plus. Il s’était remis à la besogne. Sa face était close, ses yeux vides, son cœur plein de mépris.

Le lendemain matin, les trois délégués se représentèrent devant Boucharlat. L’imprimeur les reçut mal. Il avait trop remâché sa colère, il ne pouvait plus la contenir. Dès les premières minutes, elle éclata :