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et ne s’étaient guère aimés eux-mêmes. Ceux-là, parfaitement adaptés aux lois millénaires, montraient une persévérance monotone, étrangers à toutes les joies comme à toutes les peines. L’inertie les dominait ; elle les soutiendrait contre la dépression excessive et contre les résolutions brusques ; ils étaient les produits parfaits d’une espèce condamnée.

Au rebours, Targ et Arva se maintenaient par une émotivité supérieure. Révoltés contre l’évidence, ils dressaient devant la formidable planète deux petites vies ardentes, pleines d’amour et d’espoir, palpitantes de ces vastes désirs qui avaient fait vivre l’animalité pendant cent mille siècles.

Le veilleur n’avait abandonné aucune de ses recherches ; il tenait soigneusement en état une série de planeurs et de motrices ; même il ne laissait pas tomber en ruine les principaux planétaires et veillait sur appareils sismiques.

Or, un soir, après un voyage vers la Dévastation, Targ veillait seul dans la nuit. À travers le métal transparent de sa fenêtre, une constellation se montrait qui, au temps des Fables, se nommait le Grand Chien. Elle comptait la plus étincelante des étoiles, un soleil bien plus vaste que notre soleil. Targ élevait vers elle son désir inextinguible. Et il songeait à ce qu’il avait vu, vers le milieu du jour, tandis qu’il planait près du sol.