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CONTES. — PREMIÈRE SÉRIE

Il jeta un long regard triste sur la mer bleue et reprit :

— Ce n’est pas loin d’ici que cela a commencé. Tenez, là-bas, cet îlot… qui devient écueil aux marées d’équinoxe… C’est le théâtre de mes débuts… Par un après-midi d’automne. Ah ! quelle tempête ! Les vagues semblaient vouloir s’emparer du monde, les moindres brins d’herbe se courbaient tout lustrés par le vent ! Si vous aviez vu ces troupeaux pâles et glauques, tantôt secouant des crinières, tantôt chargeant comme des millions de taureaux !…

Je me saoulais de vent, je m’enivrais de nuages. Mais voilà qu’en tournant la tête j’aperçois un homme là-bas, un étranger bien sûr, qui était resté sur l’îlot. Le malheureux faisait des signes de détresse. Et tout de suite la folie me prit de le sauver. Je bondis, je hurlai dans la tempête, j’arrivai sur la petite plage. Personne ! Ma voix se perdait comme une petite feuille dans une cataracte.