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LA MORT DE LA TERRE

énergie et de sa tendresse, il s’y était résigné. Les lois fixaient avec rigueur le nombre des unions et des naissances.

Mais, depuis quelques semaines, le Conseil des Quinze avait inscrit Manô parmi ceux qui pouvaient refaire une famille : la santé de ses enfants justifiait cette faveur. Et, l’image d’Arva se métamorphosant dans l’âme de Manô, la légende obscure, une fois encore, recevait la lumière.

— Mêlons de l’espoir à nos inquiétudes ! s’exclama-t-il. Est-ce que même aux merveilleuses époques de l’Eau, la mort de chaque homme n’était pas pour lui la fin du monde ? Ceux qui vivent en ce moment sur la terre courent bien moins de risques, individuellement, que nos pères d’avant l’ère radio-active !

Il parlait fervemment. Car il avait toujours repoussé cette résignation lugubre qui dévastait ses semblables. Sans doute, un trop long atavisme ne lui permettait de la fuir que par intermittences. Toutefois, il avait plus qu’un autre connu la joie de vivre l’étincelante minute qui passe.

Arva l’écoutait avec faveur, mais Targ ne pouvait pas concevoir qu’on négligeât l’avenir de l’espèce. Si, comme Manô, il lui arrivait d’être brusquement saisi par la volupté fugitive, il y mêlait toujours ce grand rêve du Temps, qui avait mené les ancêtres.

— Je ne puis me désintéresser de notre descendance, riposta-t-il.