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CONTES. — PREMIÈRE SÉRIE

francs, car les économies des vieux se trouvaient à la caisse d’épargne. Il ne pouvait être question, pour lui, de se repentir ; il ne sentait pas son crime ; il décelait à peu près exactement l’état d’âme d’un loup ou d’un léopard qui a dévoré sa proie. Mais comme à son âme de bête il joignait une mémoire d’homme, il regrettait de n’avoir pas recueilli un butin plus abondant et surtout de s’être laissé prendre. Tout de même, il gardait le souvenir d’une belle bordée, pendant laquelle dix litres de vin et maints petits verres d’eau-de-vie avaient exalté sa cervelle :

— J’ai bien rigolé, toujours ! répétait-il avec un rire hargneux.

Je remplis ma tâche du mieux que je pus. D’abord, Pierre Fourgues se montra plein de méfiance et de menace. Il ne me répondait pas, il fixait sur moi des regards presque homicides. Après quelques jours, il se rendit compte que j’étais positivement son défenseur et, une fois que j’avais une altercation avec le juge d’instruction, il eut une sorte d’aboiement et cria :

— Bath !

Ensuite il me donna sa confiance, il me fit même des confessions qui me gênaient et m’épouvantaient. Le jour du jugement, je plaidai avec cha-