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CONTES. — PREMIÈRE SÉRIE

contractée et sa bouche presque sauvage. Ce fut une tempête de désir qui se termina dans une rage :

— Mais tu ne peux pas ! dit-il d’un ton brutal. Alors, à quoi bon en parler ?

— Ah ! fit-elle plaintivement, ma mort seule…

Leurs regards se rencontrèrent. Dans l’éclair de cette minute, elle vit distinctement que celui pour qui elle avait fait tous les sacrifices et consenti à tous les chagrins, l’être qu’elle aimait plus qu’elle-même, aurait été heureux de cette mort… Elle détourna la tête, épouvantée ; ses yeux se remplirent de larmes.

Tout le soir, pendant qu’il était sorti, elle ne cessa d’y songer. C’était, au tréfonds, quelque chose qui déjà la tuait, l’arrêt d’un juge mystérieux et implacable. Elle se disait que maintenant elle verrait le souhait dans chacun des actes de Louis et chacune de ses paroles ; le plus intime de son existence en serait empoisonné. Comme elle n’avait, depuis bien longtemps, plus de sentiments qui ne fussent un reflet des sentiments de son fils, chaque fois qu’elle goûterait une joie innocente, chaque fois qu’il lui viendrait une heure douce, tout se glacerait soudain à l’idée sinistre. Alors, c’était fini ! Il n’y aurait plus de soleil du matin, plus de roses, plus de crépuscule d’été sur la plage ou la