Page:Rosny aîné - La Femme disparue, 1927.djvu/10

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Francisca aimait ce lieu redoutable. Peut-être y retrouvait-elle l’âme des fauves sierras où avaient vécu ses ancêtres. Cet après-midi, dans la grande solitude, elle y examinait ses chances et ses malchances. Ses mains brûlaient ; tour à tour elle subissait les émotions qui soutiennent et qui dépriment.

Elle considérait le site d’une prunelle fervente. Pâle et presque tragique, c’était une émouvante créature. La nature lui avait donné le rythme, la grâce flexible, le « sel de séduction » des sensuelles Castillanes. Avec le feu noir de ses yeux, sa chevelure « nuit d’été », son teint de nacre et de muguet, sa bouche écarlate, avec ses gestes beaux comme ses contours, elle était faite pour donner aux hommes une image terrible du bonheur.

Son agitation parut s’accroître ; elle murmurait tout bas, avec une amère mélancolie :

— La reverrai-je jamais ?

D’un geste convulsif, elle tâta son corsage, elle en tira une lettre flétrie. C’était une de ces lettres de pauvre, qui se reconnaissent au