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et de leur tir infaillible. Le vent ressassait une litanie soupireuse, le roman nocturne s’entrecoupait des petites lanternes du lampyre susperdues aux cordelles des buissons. Eux s’oubliaient, négligeant, malgré le grizzly et le jaguar, d’allumer le brasier de branches mortes, libres et bons, ivres du haschisch de la grande Ténèbre,

Les artères de Fane accélérèrent leur va-et-vient de piston, et ses yeux, fixés sur les murailles poussiéreuses, marquèrent quelque chose de plus beau que les plus énormes triomphes des âges suivants : une intensité de foi et d’amour, de poésie, de nature, d’amitié, jaillissait de sa charmante jeunesse. Mais secouant sa tête, ses puissants cheveux blonds, il se leva. IL épiait avec un glorieux dédain les employés endormis, les narines tremblantes, les bras croisés, allant à pas légers entre les rangées des tables. Il arriva à l’autre bout de la salle devant une fenêtre ouverte. L’air frais entrait, délicieux ; il y plongea sa tête avec un sourire et, accoudé, se mit à regarder passionnément la perspective courte, bornée par des façades ; invisible, un tuyau se déversait, ruisselait, et le joli bruit d’eau créa dans Marc l’illusion du Rio-Gila coulant à travers le pays des Apaches, sous les dômes de lianes, dans le calme divin du soir.