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instinct trop apeuré du temps, une philosophie lente, sage et massive. Capable de compréhension et de logique très puissantes, l’idée du transformisme n’avait été pour lui qu’une pierre d’achoppement, l’excuse de toutes ses indolences. Avec une force immense de critique, il échouait à se fixer à tel pôle, irrésistiblement entraîné à dériver à tous les horizons. En résultante finale, il laissait aux cerveaux aptes à le comprendre l’impression d’une force et d’une faiblesse effarantes, d’une intelligence infiniment curieuse, d’où sourdaient, en phrases tronquées, hésitantes et répétitives, des aperçus merveilleux d’humanité, de métaphysique. Personnellement, il se méprisait un peu, se comparait à un accumulateur de forces, mais à un accumulateur incapable de se résolver en courants. Or, sa philosophie n’admettait la valeur d’une personnalité qu’à la condition qu’elle se dirigeât, et sa dynamique cérébrale trop compliquée, il la déclarait, humainement, une non-valeur. Aussi, tout de suite, quand Marc était venu de province, l’avait-il adoré pour sa puissance de bête de guerre, pour son cerveau de pertinace. Puis, au contact de l’oncle, l’éclosion intellectuelle du neveu s’était accélérée, toutes ses conceptions élargies, tellement que l’autre y sentait une rénovation de