Page:Rosny - Marc Fane, 1888.djvu/12

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Avec une impétuosité de passereau, la tante résolvait le problème du partage, tous épiant les morceaux avec une bienveillance extraordinaire. Une pause de silence, de voluptueuse dévoration, et Marc :

— Ah ! tante, tu as le truc du bœuf à la mode !

— Tu trouves ? dit-elle avec une félicité sur sa face mobile et brève, ses beaux yeux lapis infiniment variables.

Quand le bœuf fut englouti, l’oncle murmura, non sans mélancolie :

— Je n’ai fait que passer, il n’était déjà plus !

Et il-examina, sur-une tranche de pain fraîchement coupée, des pertuis, de petites fossettes ovalaires, des abîmes irréguliers, un tunnel, une caverne. en dôme, aux murailles d’ivoire, où parfois se profilait une stalactite capillaire.

— C’est, dit l’oncle, tout le travail d’un monde, un système de cavités opéré par l’expansion vigoureuse du gaz intérieur… alors que la pâte était molle encore. une origine analogue à celle de notre croûte terrestre, en somme.

Rêveur, une minute, devant la pelite table carrée et blanche, l’expression de son regard était belle et paisible. Il déposa la tranche, prit le grand pain oblong, intéressé candidement.

La croûte était vernie, quasi couleur de vieille