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ment. Vingt-quatre ans à peine, et les plus vas- tes aptitudes à la chimère ne pouvaient lui ôter l’angoisse de la vie véritable. Toutefois, ne voulant accuser que sa pauvreté, il ressassait, quasi sur l’air des lampions :

— De l’argent !… de l’argent ! de l’argent !

Sa rue fut là. Comme, par ce soir chaud, beaucoup de monde médisait sur le seuil des portes, 11 passa tout furtif, avec un agacement aux chevilles.

Dans la salle à manger, d’une seule fenêtre, pas trop basse, émanait l’éclairage sépulcral du crépuscule ; la vie des formes et des couleurs lourdement y trépassait sur l’usure du plancher, la lividité du plafond, la désuétude des meubles.

Un quadragénaire, Honoré Fane, oncle de Marc, parcourait un volume, la tante disposait la nappe, la gamine de six ans et le gamin de quatre attendaient le dîner avec une nervosité de jeunes organismes.

— Bonsoir ! cria le télégraphiste.

— Est-ce qu’on t’a retenu après l’heure ? demanda l’oncle.

— Oui.

— Pauvre Marc ! dit la tante.

Marc nicha le plus petit des enfants contre sa poitrine, évanouissant ses tristesses au contact.