alors à la foule des paysans qui manifestait quelque timide indignation :
— J’en ai autant pour chacun d’entre vous, lâches !
III
De ce jour, le village fut tellement dompté que personne n’eût osé témoigner en justice contre Davesne. La brute se complut à son triomphe, en toute circonstance le souligna par quelque acte grossier au cabaret ou sur la place publique. On s’y résignait, et même quelques-uns formaient une espèce de cour immonde autour du vainqueur. Quant au jeune Davesne, il était le souverain incontesté des gamins, il les tourmentait selon son caprice, il les battait à plaisir. Mon père et moi vivions dans la honte, l’horreur, la révolte, l’impuissance, si solitaires que nous en devenions sauvages. Le sentiment de la justice était mort en nous ; l’univers nous paraissait si affreux que bien souvent nous souhaitâmes mourir. Nous demeurions de longues heures à rêver silencieusement dans notre pauvre demeure, et je voyais chaque jour maigrir le pauvre homme. Une année