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— ne voulant pas provoquer une nouvelle lutte où il était résolu à se servir du couteau. Mais le fils Davesne ne l’entendit pas ainsi. Il se posta d’abord devant moi, me sifflant dans la figure, puis, comme je me détournais, il se mit à ricaner :

— Petite bourrique !…

J’étais résolu à ne pas répondre ; mon silence l’irrita, il me saisit par l’oreille et me la tira avec force. La douleur était vive ; pourtant je ne poussai aucune plainte, — j’essayai seulement de me dégager. En ce moment, mon père qui avait fait quelques pas revint. Il était mortellement pâle, son regard brillait d’un éclat douloureux, il grelottait comme par un grand froid.

— Lâche-le ! dit-il au petit Davesne.

L’enfant se mit à ricaner, tira plus fort mon oreille. Mon père alors le prit au poignet, lui entr’ouvrit les doigts, et comme je me dégageais enfin, une voix féroce murmura :

— Tu as touché à mon fils !

— Il tourmentait le mien !

Oh ! jamais, jamais l’horreur de ce moment ne quittera mon cœur ; — il me suffit d’y penser, mes mains se glacent, mes oreilles bourdonnent ! Davesne, ramassé sur lui-même, sûr de sa force, levait la main, et mon père aussi blanc qu’un