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à la déchéance intellectuelle, au bout d’un temps variable. Le mouvement musculaire est, en somme, noire plus grand moyen de demeurer en contact avec la matière. Lorsque nous l’abandonnons, ou que nous le restreignons trop, nous perdons graduellement le sens de l’entour. D’abord, il est vrai, le cerveau en parait profiter, mais à la longue la race, ayant épuisé la provision laissée par les ancêtres actifs, la race devient parasitaire et meurt d’impuissance physique autant qu’intellectuelle. En ce qui me concerne, je me considère comme un simple dégénéré, un entrepôt de notions accumulées, utile dans une race encore active comme la nôtre, mais d’ailleurs destiné à ne laisser d’autre trace que mes œuvres ; vous savez que je n’ai pas d’enfants… Je pourrais donc prétendre que ma prédilection pour les exercices physiques résulte de ce que j’en sens la haute nécessité, la grandeur et la beauté ; mais cette prédilection serait trop théorique et ne pourrait me passionner au point que vous savez. Le vrai est que la force physique m’est apparue durant mon enfance dans des circonstances affreusement tristes, épouvantantes, inoubliables.

Mon père était un pauvre homme, veuf, que des malheurs successifs avaient réduit à prendre