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sur les parois humides, ramper avec une lenteur et une patience végétales. L’eau était extrêmement noire, et réfléchissait, indécise, les formes furtives découpées par le fanal.

Sous la voûte haute, dans l’odeur froide de citerne, dans l’air immobile et saturé de vapeurs, l’âme des compagnons était pénétrée d’une grande et haute mélancolie, d’une curiosité religieuse, d’un auguste sentiment d’inconnu — et, aussi, d’une appréhension invincible, d’un indécis pressentiment qui, par intervalles, rendait leurs poitrines lourdes, contractées.

Après deux heures de navigation, le paysage — si ces fantômes de rives, entr’aperçues à la lueur roide du fanal, peuvent s’appeler ainsi — le paysage se transforma.

Les rives, d’abord fort étroites, s’élargirent. Une très pâle, très frêle végétation filamenteuse apparut, espèce de lichen barbu et de mousses filiformes, et dessina des jardins d’argent mat, des fourrés de filigranes couleur de chanvre, des pâturages blancs. De-ci de-là s’enfuyaient, hors du cône de lumière, des bêtes pâles aussi, des marsupiaux au pelage couleur de cinéraire maritime, des rongeurs géants, des oiseaux rapaces, nocturnes, au vol doux, aux ailes coton-