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IV

Toute la nuit, le bateau navigua sur les eaux paisibles, de l’autre côté de l’île. Après un court repos, Alglave était revenu sur le pont, avec Véraguez et les deux Indiens. Le grand péril de naguère semblait un rêve. La fine et fière embarcation narguait toutes les embûches, invincible sur la rivière libre, dans la clarté bleue. Enfin l’aube pointa sur la forêt. Rapide, elle éteignit les lueurs de la lune basse, et la vaste rumeur de la vie diurne succéda aux épouvantes de la nuit. L’île avait disparu à l’arrière, la rivière s’élargissait encore, des rochers parurent à l’horizon. Alors, l’Indien sauvé leva le bras, murmura quelques paroles. Whamô les traduisit :

— Là-bas, s’ouvrent les Bouches des cavernes !…

Le cœur battit aux explorateurs, la curiosité intense surexcita leurs âmes. Dans la brume légère, les roches ressemblaient à un troupeau de buffles colosses accourus à l’abreuvoir. Puis la rivière apparut comme un grand lac, dilatée en