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les bêtes superbes, les poèmes de l’énergie.

Mais le sauvage l’approcha, le toucha, montra vers la droite de l’îlot. L’explorateur aperçut trois autres jaguars :

« Ah ! diable… » songea-t-il.

Son cœur battit, cette fois, du sentiment d’un péril profond, en même temps qu’il s’étonnait de voir réunis plusieurs de ces grands fauves qui, de coutume, vont par couples et non par troupes. Mais, quelle que fût la raison de cette anomalie, le danger était là, terrible dans ces forêts où quelques essaims d’indigènes mal armés et misérables n’ont pas donné au jaguar le sentiment de la puissance des hommes. Vainqueur perpétuel, il a la certitude de sa force, de son incomparable supériorité sur toute la création, — lui que le voisinage des tribus belliqueuses ou des blancs, en d’autres régions, rend circonspect et même lâche.

D’une voix stridente, Alglave donna l’alarme, puis il visa attentivement le grand jaguar entre les deux yeux.

Mais, comme il ne pouvait se décider à lâcher la détente, une détonation éclata.

C’était l’homme de la barre. Épouvanté de la vue du fauve, il avait saisi son revolver et il tirait.