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III

Sur une manière d’îlot, dans un rai de lune, se tenait un monstrueux et splendide jaguar. La bête demeurait immobile, surprise. Elle était évidemment entre le désir de poursuivre sa proie et l’inquiétude de la lanterne électrique. Sinon, rien ne lui eût été plus facile, en quelques bonds sur les fûts d’arbres dont l’eau était obstruée, que d’atteindre l’embarcation.

Alglave profita de l’hésitation du fauve pour prendre un fusil dans une manière de cabine près de la proue ; il fit signe au fugitif de ne rien craindre, et, le rifle à l’épaule, il admira la bête. De proportions égales à celles d’un tigre ordinaire, un peu plus basse sur pattes, elle représentait les forces royales de la nature, le magnifique effort de la vie de lutte. À l’aise dans sa peau souple, mi-accroupie, rien que son attitude exprimait la vélocité, l’adresse féroce et pleine de grâce, l’habitude de la victoire. Presque inaccessible à la terreur, Alglave ne pressait pas immédiatement la détente, n’aimant pas à tuer