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Tandis qu’il songeait à ces choses, il scrutait fréquemment le rivage, espérant y voir apparaître le rocher et la Bouche de la Terre. Mais il ne voyait que les rives sinueuses, la forêt, des formes indécises de grands fauves et d’herbivores :

« La nuit serait dure… seul là-bas, dans la terrible lutte pour l’existence… jaguars… anacondas… crotales ! »

Il eut un frémissement d’aise à se sentir abrité sur le bateau électrique, si bien organisé, si bien approvisionné, si confortable. Non qu’il n’aimât l’aventure et que, surtout, il ne fût d’une téméraire bravoure. Mais les plus héroïques aiment à se sentir à l’abri devant un magnifique poème d’angoisses et d’épouvantes.

Une île dessina sa proue mince dans la clarté lunaire. Alglave concentra toute son attention à commander la manœuvre à l’homme de la barre. À mesure que le bateau approchait, des obstacles apparurent, des débris, des troncs d’arbres déracinés, maintenus par les longues végétations fluviatiles. Le passage devint difficile, il fallut ralentir la marche.

Et la lune éclaira une solennelle perspective : l’île avec de hautes futaies penchées sur l’eau, les lianes, les roseaux de ses bords,