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N’est-il pas des rivières souterraines, même dans nos vieux pays d’Europe ? N’est-il pas des animalités étranges et peu étudiées encore ? Pourquoi — ici où tout est immense et libre — où les rivières sont de grands fleuves… pourquoi les pays souterrains n’auraient-ils pas une envergure analogue ?… Et quels délectables mystères… quels poèmes magnifiques de vie en dehors de la vie de surface… quel prodigieux terroir de nuit, de faune et de flore merveilleuses ont pu se conserver dans les entrailles de la terre !

Il rêvait à cette autre légende qui lui avait, huit ans passés, été dite par le chef nègre, le vieillard d’Ouan-Mahléi : elles s’étaient merveilleusement réalisées, les prédictions de l’Africain ; pourquoi celles de l’Indien rouge seraient-elles menteuses ? Un doute, cependant, le hantait : d’aussi rares aventures peuvent-elles deux fois arriver à un même homme ? Deux fois la vieille terre lui offrira-t-elle le spectacle délicieux d’un coin de grande animalité inconnue ? « Pourquoi pas ? se dit-il… N’ai-je pas, quinze ans durant, sans relâche, parcouru la planète ? N’est-ce pas une récompense de mon éternelle rôderie et aussi de mon obstination à poursuivre jusqu’au bout le sens contenu dans les légendes des aborigènes de chaque contrée ? »