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blit. Les faces maigries, les yeux dilatés se fixaient sur lui avec une acuité intense. Et la scène ne manquait pas de grandeur. Il sembla que ces infortunés fussent un peu affinés par la souffrance, qu’ils comprissent plus vite tout ce qui avait rapport à leur sauvetage. Ce qu’ils comportaient d’humain se marquait mieux en eux qui avaient connu l’horreur des détresses, l’épouvante de l’abandon. Leurs âmes avaient passé par ces secousses suprêmes où l’animal puise des ruses nouvelles ou des notions plus fines.

En moins d’un quart d’heure, une douzaine étaient décidés à être du premier retour à la rive. Alglave les disposa soigneusement au centre de l’embarcation, démarra avec des précautions infinies. Un recueillement attentif accompagna ce départ. Les passagers, à part un grelottement d’effroi, se soumettaient aux recommandations du chef gorille. Et l’on fila vers la rive, sans hâte.

Un quart d’heure s’écoula. L’eau était paisible, presque étale, le tangage du radeau très faible. La rive fut facilement atteinte.

Alors s’éleva une rumeur immense, un brouhaha sauvage, joyeux, frénétique. Alglave était