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— Ah ! enfin ! pensa Alglave…

I] lui monta par la tête un sentiment d’orgueil, une satisfaction de savant qui a triomphé de la rebelle matière. Tandis qu’il lançait de nouveau son embarcation, il souriait, il songeait qu’il avait su faire tourner, au profit de ses projets, ce hasard auquel il rêvait dans l’intérieur de l’arbre creux.

Doucement, le radeau approcha de l’île, avec une dérivation point trop considérable. Le compagnon d’Alglave, d’abord nerveux, agité, tremblant, se rassurait par degrés. Son œil intelligent observait les mouvements de l’homme, établissait une relation entre ces mouvements et l’avance de l’esquif. Une sympathie naissait aussi, née de ce qu’il y avait d’extraordinaire pour le gorille dans une telle aventure. Alglave sentit qu’il acquérait un camarade, un protecteur, peut-être un élève.

Enfin le radeau aborda, et tandis qu’on l’amarrait dans une crique, une foule d’êtres hâves, fiévreux, impatients, se pressa tout autour :

— Ne nous inquiétons plus, pensa Alglave… c’est lui maintenant qui expliquera toute l’aventure.

En effet, le compagnon se mit à haranguer, du geste, ses congénères. Un solennel silence s’éta-