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des mares fleuries. Je l’entendais chanter la nuit (on était en été) ; mon âme se fondait à sa voix mourante. Je la trouvais au matin qui me jetait un long, un triste regard, appel infini, muette splendeur de son amour. Quelquefois, ma porte s’ouvrait, lente, et je la voyais apparaître, si touchante, si lumineuse, si magique que j’aurais donné le ciel et la terre pour qu’elle eût deux ans de plus ! Quelquefois encore, une ombre me suivait entre les arbres du grand jardin, un pas léger comme la feuille qui tombe, puis, tout à coup, dans la demi-clarté des ombrages, la jeune silhouette dressait ses lignes pures, la bouche rouge souriait plaintivement, la voix mystérieuse me parlait, et je ne savais si les larmes qui voulaient jaillir de mes yeux étaient des larmes de bonheur ou d’angoisse.

V

Un soir, j’étais assis auprès de ma fenêtre. J’étais las : j’avais à peine dormi la nuit précédente, tourmenté de l’aventure, plein de crainte et d’appréhension. Une somnolence me prit, un rêve confus où mon sein s’enflait d’amour. Dans