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LA TENTATION


À H. Bérenger et E. Hollande.

I

J’éprouve un goût mélancolique pour les tribunaux. J’y vois la plus frappante image de notre société, la plus propre à nous faire méditer — après la mort — sur la misère humaine. Une cause vient de m’agiter étrangement, car elle se rattache à une histoire de mon cœur, si profonde que je ne puis y songer sans que tout mon être s’ébranle. L’individu que j’ai vu juger n’est pas très intéressant : c’est un vieux bourgeois, une physionomie égoïste, banale, mais pourtant ni méchante, ni cruelle, ni foncièrement corrompue. Il s’agit de petites filles dont il a abusé. Il n’a pas, du reste, été leur corrupteur. Ce sont elles qui l’ont tenté, et il n’y a sur ce point aucun doute. Elles formaient une espèce de petite association, sous