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dit-elle. Je suis promise et, dans nos montagnes, les filles promises meurent plutôt que de trahir leurs fiancés.

— Je ne demande rien… rien que le plaisir de vous ôter une peine.

— Ah ! fit-elle.

Elle demeura pensive, les cils baissés ; je voyais palpiter sa poitrine. Tout soudain elle arriva vers moi avec un air d’émoi, de tendresse, d’humilité indicible, et cependant de décision :

— Voulez-vous que je vous donne un baiser ?

— Un baiser de remerciement ?

— Non, dit-elle, devenant ardemment pâle — un baiser d’amour — mais un seul, et vous partirez !

Je n’eus pas besoin de répondre. Mes yeux parlaient pour moi. Alors elle saisit ma tête entre ses bras ; sa bouche fraîche, ses lèvres voluptueuses s’attachèrent un instant à mes lèvres, dans un baiser profond et emporté, où il y avait de l’amour et une sorte de désespoir.

— Adieu ! s’écria-t-elle en se reculant.

Je partis, et, me retournant au coude du chemin, je vis que la belle créature avait les yeux pleins de larmes.