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drement large : des silhouettes y gesticulaient, interpellaient les anthropoïdes du rivage. Alglave reconnut des frères de ceux-ci. Ils semblaient souffrants, maigris, en détresse, surtout les femelles avec leurs petits.

Et le drame du grand conseil s’expliquait, l’appel des gorilles à travers la forêt, les réunions, les expéditions, en même temps que se décelait une organisation humaine, une solidarité entre les divers groupes d’hommes des bois qui, de moins en moins, permettait de les confondre avec les gorilles vulgaires.

Mais par quelle aventure était échouée là-bas, sur cette île en plein fleuve, toute une tribu d’êtres qui, évidemment, ne connaissaient ni la nage, ni le plus rudimentaire procédé de navigation ?

Ce problème passionna Alglave, lui fit oublier ses souffrances. Il analysa le paysage, il suivit avec attention la discussion des gorilles du rivage (car en ce moment d’excitation, on oubliait de le surveiller). Deux caractéristiques capitales dirigèrent ses recherches : un grand roc, comme rompu fraîchement à la cime, émergé au bord du fleuve, un autre roc debout sur l’île :

— Y avait-il un pont ? se demanda-t-il.

Un pont ? construit par eux ?