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convives : un glouton qui ne levait pas les yeux de son assiette et un myope qui voyait à peine sa fourchette quand il la portait à sa bouche. Le repas était véritablement pantagruélique — et sanglant ! Les viandes rouges, les sauces écarlates, un bœuf entier servi sur un colossal plat d’argent et dans le ventre duquel on avait amoncelé des poules et des pigeons rôtis ; ce festin de carnivores était arrosé par surcroît de vins épais, de bières noires, de toute une beuverie lourde et farouche.

Commencé à six heures et demie, le banquet ne tira vers sa fin que deux heures plus tard. On servit au dessert une espèce de vin vermeil, mousseux, qui semblait du sang frais. Alors un des convives se leva et porta le premier toast :

« Je bois à l’anéantissement de la race stupide et réactionnaire des végétariens. Ces animaux rétrogrades (Écoutez ! écoutez !) ont imaginé de nous ramener à l’état de singes. (Rires et applaudissements.) Ils ont imaginé de nous priver de notre force et de notre courage, de notre intelligence et de notre énergie, de la source même de la supériorité de notre race sur les races débiles du continent, — c’est-à-dire de la Viande, gentle-