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partie la plus ardue de la Croix de Javernaz. Je me gardai de devancer ma campagne ; je pris à la suivre ce chagrin plaisir qui est mêlé aux idylles platoniques autant qu’aux amours violentes. Tantôt j’admirais sa grâce fière sur une plate-forme, tantôt j’éprouvais un petit battement à la voir disparaître et reparaître, tantôt, n’apercevant qu’un pli de sa robe pâle, une impression de mystère sacré me pénétrait.

IV

Lorsque je vins à la cime, je l’aperçus immobile, plongée dans un recueillement profond, les mains jointes. Il me parut qu’elle priait. Elle était ainsi plus charmante encore, d’autant que le vent balayait sa robe et secouait ses cheveux sur les tempes.

Bientôt, craignant d’être indiscret, je me détournai vers le Valais, qui s’étageait tout en bas, avec de petits arbres pareils à des herbes ; puis les cimes pâles du mont Blanc, des Diablerets, la lueur fine du glacier du Trient, les Dents de Morcle, le Grand Muveran, m’absorbèrent quelque quart d’heure.