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corps, hardie, prête au mouvement, décelait une grâce digne du visage.

Je n’osai la regarder plus de quelques secondes ; je m’assis à dix pas d’elle, derrière quelques arbrisseaux. Je mangeai peu, absorbé par l’éternel rêve, pensant à quelle distance j’étais de cette jolie créature, dans la solitude où pourtant nous n’étions que deux, où nous entendions, mutuellement, le petit cliquetis de nos couteaux et de nos gobelets.

Après une dizaine de minutes, elle se leva et partit. Je regardai avec mélancolie disparaître sa forme et je finis mon repas.

III

Je repartis peu après. Je voyais mal le monde resplendissant des fleurs, les montagnes étagées au fond du firmament pur. L’émotion douce de la rencontre persistait, le grand regret que nos races eussent mis tant de distance entre les êtres. Soudain, je frémis. Au détour d’un sentier, je venais de la revoir, gravissant d’un petit Pas énergique et ne s’appuyant guère sur son piolet. Sans être bien rude, c’est tout de même la