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le jour est venu. La forêt semble finir, mais ce n’est qu’une illusion : le vaste fleuve qui passe, qui s’étend, en largeur, presque aux limites de l’horizon, perce Kyamo ; mais ne la limite pas ; elle continue au loin sa grande vie végétale. On peut voir sommeiller de monstrueux crocodiles sur les rives, planer de grands vautours dans les altitudes bleues, des hippopotames flotter lourdement sur les eaux verdâtres. Une autre vie, plus sournoise, parasitaire, cachée, opulente, belle, sinistre ou joyeuse, se devine parmi la fécondité des végétaux.

Sur un des replis des rives, les anthropoïdes se tiennent en campement. Leur nombre est considérable : ils sont mille peut-être, et parmi eux, humble, voici l’homme d’Europe, le pâle prisonnier.

Alglave est nu : on a déchiré ses vêtements. Il a faim, car on le nourrit à peine de rogatons. Il est las, car on lui laisse peu de repos, on trouble perpétuellement son sommeil.

Le roi des êtres terrestres est humilié, écrasé par le splendeur des anthropoïdes, par leur force colossale, par leur haine, mais non par leur mépris.

Le premier jour de captivité, après que la vie