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meras davantage pour savoir le motif de mon existence actuelle…

III

J’étais fiancée à l’un de ces êtres qui méritent tout l’amour d’une femme. Son cœur était ardent et fidèle, impétueux et pur. La vie, la santé, la force éclataient dans ses mouvements. Je l’adorais. Je me serais tuée pour lui plaire. Je croyais que j’aurais préféré être brûlée vive plutôt que d’être jamais à un autre homme.

Il venait me voir chaque jour. L’oncle qui me servait de père était indulgent, doux, sans méfiance. Nous passions de longues heures ensemble, tout seuls, au fond d’un grand jardin séculaire. Plusieurs fois nous eûmes à lutter violemment contre nos désirs, et, d’un commun accord, nous en triomphâmes chaque fois. J’en étais fière, car mes sens parlaient avec la plus grande vivacité. Je m’estimais de celles qui ne peuvent succomber à une surprise. Hélas !