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II

Un soir que nous prenions le frais au bord du Léman, je me sentis plus encore que d’habitude surpris par les paroles et les façons de mon amie. Elle avait été tendre, nombreuse et délicate comme le tiède crépuscule sur les eaux. Elle m’avait ouvert l’inconnu de son être, la fraîche douceur de mille sensations où respirait je ne sais quelle innocence, quel respect de la vie, quelle loyale et charmante bonté. J’en fus tout pénétré, touché, ému aux larmes, et je lui dis en serrant son bras contre mon cœur :

— Tu ne m’as jamais dit qui tu étais ?

— Je ne l’ai jamais dit à personne, fit-elle tout bas.

Sa robe bruissa contre moi, son pâle et beau visage s’alanguit dans des souvenirs ; il parut une telle grâce sur ses yeux que je défaillais de volupté.

— Je t’aime plus que je n’ai aimé aucun autre, reprit-elle… depuis l’ami de ma dix-huitième année… et je pense que tu m’en esti-