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des bois colosse parmi ces colosses s’avança. Il fit quelques gestes d’apaisement à la foule, il parla, il discourut. Le calme se fit. Celui qui tenait le prisonnier l’emporta vers la clairière. On le déposa sur le sol.

Graduellement, il revint à l’émotion lucide, à l’angoisse de ce qui allait se passer.

Il remarqua qu’il était l’objet d’une curiosité intense. Jamais pareil être n’avait paru dans la forêt Kyamo. Ses cheveux blonds, son pâle visage, ses vêtements gris pâle, sa casquette à double visière, tout en faisait pour des gorilles une bête extraordinaire, une bête mystérieuse, inconnue de toute éternité dans leurs pénombres sylvestres. Le nègre leur était familier ; ils l’avaient combattu, maintenu hors de leur domaine, ils devaient le considérer comme un rival moins redoutable que le lion.

Mais celui-ci, d’où est-il ? comment est-il arrivé ? Menace-t-il la sécurité de la race ? Et une inquiétude apparait sur les lourds visages.

Faut-il, ne faut-il pas le sacrifier ? Faut-il le tuer, le chasser avec dédain ou le garder en servitude ?

Ces questions furent agitées — avec, sans doute, des arguments bien indéfinis, mais enfin elles le furent (du moins c’était la pensée d’Alglave).