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y a par tous mes nerfs un passage d’ouragan. Je retrouve enfin la voix, une voix basse, rauque :

— Je vais risquer mon bonheur, dis-je… mais ne me laissez pas parler si vous devinez et si vous devez dire non !

Elle tourna d’abord la tête, farouche, sévère, puis une douceur parut sur sa bouche, presque un sourire :

— Vous pouvez parler !

— Cela veut-il dire que l’infini du bonheur est possible… que votre vie peut être mêlée à la mienne ?…

Elle inclina la tête d’un air soumis, mêlé de cette raillerie légère que la femme garde aux plus troubles heures, et déjà je la tenais contre ma lèvre, bénissant d’une telle force son irrespect de la parole donnée aux morts que, depuis, chaque fois que j’ai été saisi d’un mouvement de fétichisme funéraire, le souvenir de cette minute s’est dressé pour m’en guérir.