Page:Rosny - Les Profondeurs de Kyamo, 1896.djvu/214

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vembre, et après bien des hésitations, — car enfin je ne pouvais que rendre mes regrets plus pénibles, — je me déterminai à une visite chez Mme de Vrigneuse.

Je la trouvai pâle et légèrement maigrie, d’autant plus charmante avec cette langueur divine que la souffrance met au regard des belles. Cette entrevue fut pleine de tristesse, et cependant si douce que je ne pus — pareil aux gens qui se suicident avec des poisons suaves — résister à faire de nouvelles visites. Il se passa bien un mois et demi sans jamais parler de rien touchant à l’amour. Je voyais que ma présence était agréable : je ne voulais pas voir au delà.

Un soir, pourtant, nous en vînmes à deviser de mariage, d’amour, de serments, et je me sentais défaillir en prononçant certains mots. Soudain, je ne sais comme, par un de ces mouvements qui sont la conséquence d’une trop longue retenue, je m’écriai :

— N’avez-vous pas juré que vous ne vous remarieriez jamais ?

— Je l’ai juré, fit-elle gravement. Comment savez-vous ?…

Il y eut un silence assez long, pendant lequel je n’osais l’épier que par intervalles. Dans ses