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les êtres exquis laissés au long de ma pénible route, mais tout fétichisme est banni de ces sentiments : la chair qui pourrit dans le cercueil, la terre qui abrite le cadavre, en vérité, pourquoi les vénérerais-je ? Ils ne me sont pas plus que les vers du sépulcre ; et qui penserait à recueillir ceux-ci et à les élever, sous prétexte qu’ils sont une parcelle de l’ami ou du parent évanoui ?

II

Depuis plusieurs années, j’adorais Mme de Vrigneuse, et je n’avais pu résister, un jour de folie, à lui ouvrir mon cœur. Elle ne me répondit par aucune bégueulerie de vertu, mais convint au contraire qu’elle eût pu avoir du penchant pour moi, si d’ailleurs elle ne s’était donnée tout entière à son mari.

— Il me serait impossible de trahir un homme qui a bien voulu m’accorder une confiance absolue, disait-elle. Outre que je l’aime sincèrement, je sens qu’il vaudrait autant me prostituer que de mériter un jour son mépris. Même s’il n’en devait rien savoir, il me serait trop affreux de regarder en face ces yeux si francs, ce regard si pur de